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Mon expérience avec le déficit énergétique relatif dans le sport (RED-S)

Au quotidien, le corps a besoin d'énergie pour assurer diverses fonctions. Une partie de cette énergie est dédiée aux fonctions vitales (métabolisme de repos). Celui-ci couvre l’ensemble des systèmes essentiels comme ceux de la fonction immunitaire ou reproductive. 

En plus du métabolisme de repos, il faut considérer les dépenses énergétiques liées aux activités quotidiennes : se brosser les cheveux, manger, s'occuper des enfants, etc. Enfin, si vous êtes une personne active pratiquant un sport, votre corps requiert encore davantage d'énergie pour couvrir les dépenses liées à l'activité physique et aux processus nécessaires pour s’adapter à l'entraînement.

La "disponibilité énergétique" désigne l'énergie disponible pour assurer les fonctions vitales de l'organisme après avoir couvert les dépenses liées à l'activité physique. Une faible disponibilité énergétique survient lorsque l'apport calorique est insuffisant pour répondre à ces besoins, ce qui peut perturber le fonctionnement de certains systèmes de l’organisme. Le syndrome RED-S (Relative Energy Deficiency in Sport) reflète les conséquences d'une exposition prolongée ou sévère à cette situation. Ce syndrome peut toucher les sportifs de tous niveaux. 

L’objectif de cet article n’est pas de vous offrir un résumé scientifique sur la disponibilité énergétique et le REDs. Mon but est plutôt  de sensibiliser les gens et augmenter la vigilance des sportifs face à l'importance d’un apport énergétique adéquat afin de pratiquer son sport dans la santé. Pour ce faire, j’ai finalement décidé de prendre le temps de mettre sur papier mon expérience avec le REDs. 

Des croyances bien ancrées

Depuis mon plus jeune âge, le sport occupe une place centrale dans ma vie. Après plusieurs années de gymnastique, je me suis tournée vers les sports d’endurance comme le triathlon, la course à pied et le cyclisme. Bien que l’alimentation soit un sujet incontournable dans le monde du sport, je regrette de ne pas avoir pris conscience plus tôt de l’importance d’un apport énergétique optimal. C’est grâce à mon conjoint David que j’ai découvert pour la première fois les notions de faible disponibilité énergétique (LEA) et du syndrome RED-S.

Mes croyances sur l’alimentation m’ont d’abord rendue réticente à m’intéresser au sujet. Je pensais bien gérer ma nutrition, ou du moins, j’essayais de m’en convaincre. En réalité, j’avais intégré plusieurs fausses idées sur ce que signifie une alimentation sportive saine. Un malheureux mélange de désinformation médiatique et de croyances populaires comme “le sucre est mauvais pour la santé” , “il faut attendre midi pour manger” ou “si je n’ai pas faim, je ne dois pas manger” a influencé mes habitudes. C’est étrange à expliquer mais une part de moi pressentait que mon apport énergétique quotidien était souvent insuffisant. Pourtant, j’étais persuadée, à tort, qu’il fallait maintenir ce type d’alimentation pour bien performer dans mes sports.

30g glucides/h et complètement bonkée-70.3 Atlantic City 2022

Symptômes

J’ai longtemps fermé les yeux sur de nombreux symptômes liés au RED-S. C’est grâce à l’accompagnement de mon conjoint et la sensibilisation effectuée sur le LEA et le RED-S que j’ai progressivement accepté et reconnu plusieurs de mes conditions physiques et physiologiques comme étant anormales. “Une aménorrhée secondaire qui perdure depuis 6 ans, sensation de froid constante, perte de cheveux, acné, sueurs nocturnes, trouble du sommeil, ballonnements, envie d’uriner fréquente, baisse de la motivation dans mon sport, problèmes de concentration, irritabilité, fatigue intense, diminution des performances sportives, blessures répétées et dépression”. Écrire tout cela me rend triste et même honteuse. Pourtant, cela me fait aussi prendre conscience à quel point il est facile de perdre pied avec le RED-S et de rester prise dans cet état pendant longtemps…

Je dois tout de même revenir sur cette aménorrhée de 6 ans. Ça semble incroyablement long et plusieurs pourraient se demander pourquoi je n’ai rien fait plus tôt. Malheureusement, je ne savais pas que cette condition était grave à ce point. Pendant un certain temps, j’ai gardé cette information pour moi. Pour être franchement honnête, une partie de moi ne détestait pas le fait de ne plus avoir de règles à gérer. Certaines fausses croyances populaires sont aussi venues renforcer ma perception erronée de la gravité de l’absence des menstruations. Lorsque j’ai finalement avoué à certaines personnes que je n’avais plus mes règles, le message reçu à souvent été le suivant “C’est une situation problématique oui, mais chez les personnes qui font beaucoup de sport, ça arrive souvent”. À ce stade-ci, je me disais que c’était sûrement pour ça moi aussi. J’ai également la chance d’avoir un médecin de famille avec qui j’ai pu parler de la situation. Je ne veux blâmer personne ici, mais je n’ai pas eu l’impression que mon aménorrhée était un problème à ses yeux. J’ai passé plusieurs tests sanguins pour analyser certaines hormones (testostérone, TSH, hormones thyroïdiennes, etc). Tout était beau! En plus, on dirait que si l’enjeu n’est pas d’avoir un enfant, c’est un peu moins urgent d’avoir un système reproductif fonctionnel. Alors si le médecin ne s’inquiète pas trop, pourquoi être inquiète moi-même? 

Ce que j’ai fait

Le diagnostic officiel du RED-S est loin d’être simple. D’après mon expérience, il reste flou de savoir qui peut réellement poser un tel diagnostic mais aussi, qui possède la compétence réelle pour pouvoir accompagner une personne souffrant de ce syndrome. En tant qu’athlète amateur, je n’ai pas une équipe de professionnels à mes côtés, et j’ai trouvé très difficile d’obtenir de l’aide et de me faire comprendre. Lorsque j’ai amené le sujet du RED-S avec mon médecin de famille et mon inquiétude face à la possibilité d’avoir ce syndrôme, celle-ci ignorait complètement ce qu’était le RED-S. À ce stade-ci et lorsque j’ai ramené mes symptômes sur la table, elle m’a plutôt proposé une référence avec un endocrinologue. J’ai donc entrepris des démarches supplémentaires pour consulter un médecin en médecine sportive. Bien qu’il m’ait prescrit deux radiographies, il a refusé ma demande de DEXA, qui aurait permis d’évaluer ma densité minérale osseuse (qui constitue l’un des critères importants du RED-S, soit la détérioration de la santé osseuse). Un peu perdue dans tout ça, je me suis finalement dirigée vers une nutritionniste du sport. Il s’agit là du meilleur soutien que j’ai reçu, jumelé avec le support de mon conjoint. En lui exposant mes symptômes, ma situation et en explorant la grille d’évaluation du RED-S, il était évident que ma santé était compromise. En parallèle, nous avons pris la décision de réduire temporairement mes activités sportives. Grâce à l’équipement de David, nous avons calculé mon métabolisme de repos (qui était très bas) et déterminé la disponibilité énergétique optimale à atteindre quotidiennement. J’ai ensuite suivi mon apport calorique sur plusieurs jours, en m’assurant de manger suffisamment, voire davantage que nécessaire. J’ai été stupéfaite de constater les quantités de nourriture nécessaires, bien supérieures à ma sensation de faim habituelle !

100g glucides/h - Trail du Grand-Duc 50km 2023

Les changements

Dès les trois premiers jours suivant l’augmentation de mes apports énergétiques, j’ai remarqué deux changements majeurs. 1) Mon niveau d’énergie a atteint un point que je n’avais pas connu depuis longtemps. 2)La qualité de mon sommeil s’est grandement améliorée dû au fait que je me réveillais beaucoup moins souvent en pleine nuit. J’ai été surprise de constater des changements aussi rapides. Cela a grandement contribué à ma motivation à poursuivre sur la même voie. Après une semaine, j’ai calculé à nouveau mon métabolisme de base qui était déjà de retour dans les valeurs normales. Avec encore un peu plus de temps, j’ai pu constater d’autres changements positifs : mon humeur est devenue plus stable, et cette sensation constante de froid qui m'habite depuis des années a disparu. Ma VFC et ma fréquence cardiaque de repos ont toutes les deux connu une hausse. Même si manger autant que nécessaire était parfois un défi, je me suis surprise à me réveiller la nuit avec une faim intense (oui oui, je suis allée ouvrir la cloche à muffins à 3h du matin !). Mon énergie à l’entraînement est revenue progressivement. Les entraînements me paraissaient de plus en plus faciles et j’avais beaucoup plus de plaisir à les faire. Aujourd’hui, je me sens plus solide sur mes jambes et je suis à même de constater une amélioration significative de mes performances sportives. 

Tous ces changements peuvent paraître bien beaux par écrit, mais je dois aussi demeurer honnête en ne mettant pas de côté toutes les difficultés traversées et celles qui demeurent encore à ce jour. J’avoue que j’avais une certaine appréhension à l’idée de prendre du poids, surtout en voyant les quantités de nourriture que je mangeais. J’ai bien évidement pris quelques kilos (environ 2,5 kg) et j’ai aussi commencé à prendre plus de masse musculaire. C’est encore difficile pour moi d’accepter certains changements corporels induits par une augmentation de mes apports énergétiques. J’ai été bien dévastée dernièrement de constater que mes paires de jeans ne me font plus. Je dois souvent me rappeler que je fais tout cela pour ma santé. Aujourd’hui, j’aime bien m’inspirer d’athlètes qui ne correspondent pas nécessairement au physique stéréotypé de leur sport. Je pense rapidement à Jonas Abrahamson (cyclisme), Kristian Blummenfelt (triathlon) et Sally McRae (ultra trail). Le maintien et l’amélioration de mes performances sportives ont heureusement un effet positif sur ma vision des choses : je constate que je suis en mesure de performer autant, sinon plus, même avec quelques livres en plus (même en montée et même en ne regardant que les W/kg en vélo). Finalement, remettre sur pied un système reproductif qui a été sur pause pendant plus de 6 ans n’est pas une chose facile. Certains symptômes du RED-S demeurent en progression et je travaille fort chaque jour pour m’assurer de prendre les meilleures décisions pour poursuivre sur la bonne voie. Même si certaines pensées continuent de m'habiter, celles-ci n’ont plus la même emprise sur moi. Je suis capable de les observer tout en prenant la décision de ne pas les écouter. 

Progression considérable en vélo sur 1 an

Mes nouvelles bonnes habitudes 

Voici une liste des changements que j’ai apporté dans mon quotidien et que je ne laisserai plus jamais de côté : 

  • 4 repas complets par jour (dont deux déjeuners) 

  • Minimalement 2 collations complètes par jour (ressemble à un petit dîner - plutôt que de manger une barre tendre ou une pomme, j’opte pour un bol de riz avec légumes et des fruits par exemple) 

  • Beaucoup de glucides à TOUS les repas (Pain, pâtes et patates! Fini la salade comme repas principal. Si je veux en manger une, il s’agit maintenant d’un accompagnement à mon repas) 

  • Aucun entraînement à jeun

  • Consommation de glucides pour tout entraînement de plus de 45-60 minutes

  • Je vise entre 80-100 g et plus de glucides à l’heure pour les entraînements de plus de 2h

  • Si je doute de savoir si j’ai assez mangé, j’opte pour une assiette supplémentaire plutôt que d’arrêter de manger. 

  • Je mange lorsque j’ai faim, sans égard à l’heure

  • Je mange une collation même lorsque je n’ai pas faim, dans le but de me préparer à mon prochain entraînement

  • Je consomme une collation complète ou un repas dans l’heure suivant un entraînement

  • Si j’ajoute de la charge dans une semaine (volume, intensité, etc), je m’assure de manger plus aussi

Conclusion

À ce jour, je suis plus que contente d’avoir entrepris ces changements. Je peux pratiquer les sports que j’aime dans la santé et surtout, avec beaucoup plus d’énergie et de plaisir. Je progresse mieux et je suis en mesure de supporter une plus grande charge d’entraînement sans me sentir au bout du rouleau. Une fois que l’on goûte à un apport énergétique optimal, c’est comme de ne plus pouvoir s’en passer. Souvent, on peut penser ne pas avoir besoin de “manger plus”. Ce que j’ai appris, c’est qu’on ne sait jamais ce que l’on manque sans l’avoir essayé.  

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