David Jeker David Jeker

Analyse de course – Championnats du monde de Trail long 2022

À un quelques jours des championnats du monde trail 2023, j’en suis à peaufiner mon plan pour la course. L’an dernier en Thaïlande, je crois avoir mal géré mon début de course et avoir payé cher pour ça. Cela-dit, c’est dur pour tout le monde et l’idée qu’on se fait de sa course peut être biaisé par les émotions ressenties lors de celle-ci. J’ai perdu plusieurs places dans la dernière descente, je n’ai donc clairement pas terminé fort. J’étais tout de même curieux d’aller plus loin dans l’analyse en comparant avec les autres.

Pour garder ça simple, j’ai décidé de m’en tenir à deux segments en montée, l’un en début de course, l’autre dans la dernière grosse montée. Le premier fait 3,37 km de long pour 570 m de dénivelé positif et débute dès le 4e kilomètre de course, le second 3,93 km pour 697 m verticaux situé après le 60e kilomètre. On a donc deux segments aux pentes similaires, soit 16,9% et 17,7%. Évidemment, la technicité et surtout la température n’étaient pas les mêmes et ces chiffres sont ceux des segments, donc basé sur les données GPS des personnes qui ont créé ceux-ci.

Pour le top 10 masculin, j’ai trouvé les activités Strava de 8 athlètes. La première figure montre leurs vitesses ascensionnelles pour les deux segments. À part Didrik Hermansen, tout le monde est parti environ au même rythme et celui qui a le moins ralenti, Adam Peterman, a gagné la course. À noter que nous avons des athlètes de l’élite mondiale qui ne sont même plus à 1000 m/h en fin de course. Pour référence, Stian Angermund montait à 1362 m/h lors de sa victoire sur le Trail court de 45 km. Mention spéciale à Aritz Egea, 5e au monde, qui a laissé « Carrera de montaña matutina » comme titre d’activité sur son Strava. Pour toutes les figures, le nombre adjacent au nom de l’athlète correspond à son classement final.

Et moi ? Même pas 900 m/h dans le deuxième segment! Toutefois, comme le montre la figure 2, je n’ai pas ralenti plus que les autres relativement à ma vitesse initiale.

Sans m’en rendre compte, j’étais en surrégime (au-dessus de mon second seuil) pendant une trentaine de minutes en début de course, donc mon ralentissement n’a rien de surprenant. Même chose pour et ceux qui jouaient les belles places et qui prenaient certainement des risques en début de course. Ce qui me surprend, c’est de ne pas voir d’autres athlètes maintenir leur vitesse autant que le champion. Je n’ai pas fait le calcul pour tous, mais pour les athlètes du 20 qui sont sur Strava + quelques autres (24 athlètes, dont 7 femmes), le ralentissement est assez similaire.

Et les athlètes féminines ? Plusieurs ont des comptes privés, mais pour 7 des athlètes du top 14 dont j’ai les temps sur les segments, on obtient essentiellement la même diminution de vitesse que les 17 hommes.

C’est bien beau tout ça, mais physiologiquement ça dit quoi ? Nous avons les données de fréquence cardiaque de 18 des 24 athlètes. Évidemment, la précision de la mesure n’est pas garantie, mais cet article n’a rien de scientifique. Le seul athlète dont la FC est plus élevée sur le deuxième segment ? Le champion Adam Peterman. Je précise que ses données de FC ont l’air propres, donc je doute que cette différence soit le résultat d’une mauvaise mesure.

Sans surprise la relation entre la perte de vitesse ascensionnelle et la diminue de l’intensité est forte et significative.

Cela-dit, la relation entre l’intensité du premier segment relative à la moyenne de la course et la perte de vitesse n’est pas significative. En d’autres mots, une intensité plus élevée dans le premier segment n’a pas nécessairement mené à une perte de vitesse plus grande.

Il serait très intéressant de mettre en relation les valeurs de FC avec celles correspondant au second seuils des athlètes, mais nous n’avons pas cette donnée. Il serait possible d’utiliser les zones de FC Strava, mais je doute que tous les athlètes les ajustent et même s’ils le faisant ce serait selon différente méthodes. Bref, l’exercice serait futile.

Au final, rien de surprenant si ce n’est que mon ralentissement en montée était relativement similaire à celui des autres. On a parfois l’impression de ne pas avancer pendant un ultra, mais même les meilleurs ne vont pas si vite et peuvent aussi ralentir beaucoup. La clé du succès est évidemment de maintenir l’intensité, c’est-à-dire de résister à la fatigue. En plus de la préparation spécifique (je pense surtout au dénivelé négatif), un apport glucidique substantiel peut certainement aider à maintenir l’intensité en limitant l’utilisation du glycogène musculaire. Dans mon cas, je ne respectais plus mon plan nutritionnel rendu à la dernière grosse montée et j’ai payé le prix. Côté préparation, un plus grand volume d’entraînement, surtout en terrain spécifique, m’aura certainement aidé. C’est d’ailleurs pour ça que je me suis permis 3 semaines d’entraînement à St. Moritz pour préparer les mondiaux cette année. On verra ce que ça donne vendredi.

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