Pour l’amour du Trail

En 2020, j’ai un peu mis la course à pied de côté. J’ai maintenu un bon niveau de forme en faisant beaucoup de vélo, encore plus que dans mes années de triathlon. C’est l’fun le vélo, vraiment l’fun. Il y a les crevaisons occasionnelles pour nous rappeler que la course à pied a ses avantages, mais pas de quoi se décourager. Cet été, en sillonnant les Cantons-de-l’Est sur ma monture d’acier, je me suis souvent demandé pourquoi je ne m’en tenais pas uniquement au vélo? Pourquoi courir? Pourquoi courir quand on peut se faire plaisir à vélo ou sur des skis? J’ai fini par comprendre. Dans les lignes qui suivent, je vous partage l’illumination qui m’a amené à retomber en amour avec le Trail. Pour simplifier, les comparaisons se limitent au vélo, mais sont aussi valables pour le ski de randonnée, le ski de fond ou n’importe quel sport d’endurance.


D’abord, je ne prétend pas que la pratique d’autres sports en complément à la course à pied est une mauvaise idée, bien au contraire. Rien de mieux que d’avoir des options d’activités qui permettent de faire varier la charge d’entraînement indépendamment du stress mécanique. C’est justement ce fameux stress mécanique qui rend la progression en Trail si délicate et qui peut en décourager plus d’un. Contrairement à la course, le vélo c’est l’fun tout de suite. Pas besoin d’avoir augmenté progressivement sa charge d’entraînement pour pouvoir faire une longue sortie. Pas besoin d’être en forme pour que ce soit plaisant. Descendre une côte à plus de 80 km/h c’est l’fun peu importe l’état de fatigue dans lequel on se trouve. Bref, le vélo c’est une autre couche de gratification instantanée dans nos vies. Le vélo c’est l’fun tout de suite. Du bonheur simple, du plaisir facile, inconditionnel. Alors que courir c’est pas toujours facile, pas toujours le fun… Et si c’était justement ça qui fait que c’est tellement mieux?


Pour vraiment prendre du plaisir à courir, il faut courir souvent. D’abord pour s’adapter, puis pour aller plus vite, plus loin ou simplement se déplacer avec moins d’effort. Greg LeMond a déjà dit que le vélo ça ne devient jamais plus facile, on va seulement plus vite. Mon expérience me dit que ceci n’est pas aussi vrai pour la course à pied. Quand la forme est bonne, que les muscles sont prêts, que l’affûtage opère sa magie et que la stratégie nutritionnelle est au point, on peut courir vite, longtemps et avec une aisance déconcertante. Aller à la limite de ses capacités sans nécessairement souffrir. Pas que l’effort soit entièrement sans douleur mais que celle-ci soit sous notre contrôle, en partie masquée par l’euphorie qui nous accompagne dans les sentiers. Ceux qui croient que courir un ultra-marathon est nécessairement difficile font erreur. Courir un ultra sans connaître une seule baisse d’énergie et sans se remettre en question c’est possible. En fait, c’est peut-être, sportivement parlant, la plus belle chose qui soit.


Par rapport à la pratique du cyclisme, la course à pied a aussi l’avantage de vous éviter d’encombrer votre vie d’une quantité ridicule d’équipements. Je viens tout juste de déménager et ça m’a permis de réaliser l’horrible quantité de biens matériels que j’ai accumulés ces dernières années. La majeure partie de ceux-ci sont liées à ma pratique plus sérieuse du vélo. De quoi donner une bonne nausée existentielle au minimaliste que je suis, ou plutôt, au minimaliste que j’étais. Vivement l’époque où je pouvais déménager d’un côté à l’autre de l’océan avec tous mes biens sans même devoir payer pour un bagage supplémentaire. Un vélo c’est pratique pour se déplacer jusqu’aux sentiers sans polluer, mais pas besoin d’avoir n+1 vélos pour ça.

X-Alpine 2016: Une belle leçon d’humilité après une attaque ambitieuse en début de course.

X-Alpine 2016: Une belle leçon d’humilité après une attaque ambitieuse en début de course.


Finalement, comme la capacité à parcourir de grande distance à pied a joué un rôle important dans l’évolution de notre espèce, on peut dire que courir des ultras c’est très humain. D’abord en raison du mouvement très naturel, mais aussi parce qu’il faudra en cours de route gérer un paquet d’émotions. N’ayant jamais réalisé de vrais épreuves d’ultra-endurance en vélo, il m’est impossible de savoir si ce genre de défi peut nous amener à vivre autant d’émotions qu’un ultra à pied. Ceci-dit, une différence essentielle à considérer est qu’à pied, c’est notre corps qui risque de nous lâcher, alors qu’en vélo c’est de notre machine qu’on peut douter. La grande importance de la composante musculaire en Trail fait toute la différence. Même avec toute la volonté du monde, notre corps peut nous lâcher. Encore une fois, c’est dans la difficulté que naît l’intérêt. À pied, on est vraiment seul face aux éléments, seul avec nos doutes et avec nos rêves. C’est dans ces moments de vulnérabilité qu’on peut enfin ressentir toute la force et toute la vie qui nous habite.


Bref, le Trail ce n’est pas plus amusant ou plus gratifiant, c’est tout simplement mieux. Il y a quelques années déjà, j’écrivais ces quelques mots : « Aujourd’hui, le trail c’est ma vie. Je rêve de la course parfaite, d’une performance dont je serai entièrement satisfait. Je ne suis pas certain qu’une telle chose soit possible, mais je compte bien y mettre tout mon cœur, y consacrer toute ma vie ». Même après quelques courses difficiles et une saison 2020 à oublier, ces mots représentent plutôt bien mon état d’esprit actuel. J’ajouterais maintenant que je désire aussi aider d’autres humains à réaliser leur course parfaite. Les aider à mettre toutes les pièces du casse-tête ensemble pour vivre leur ultra de la façon la plus positive qui soit.

CCC 2015: Peut-être la course la plus difficile de ma vie, mais aussi l’arrivée la plus satisfaisante.

CCC 2015: Peut-être la course la plus difficile de ma vie, mais aussi l’arrivée la plus satisfaisante.

Précédent
Précédent

La chaussure parfaite

Suivant
Suivant

Entraînement polarisé